Le cancer

Attention, ce texte n’est pas drôle. Oui, pas drôle : je suis las, j’ai envie de changer de style d’écriture, marre de ce carcan de blog à la con qui m’oblige toujours à essayer de vous faire marrer!

Oui, bon d’accord, on pourrait essayer de rire un peu. C’est vrai, regardez-moi ces petits troupeaux d’enfants malingres, toujours le regard brillant dans leur costumes de bonzes anorexiques, et cette culpabilité insupportable qui t’envoie à la figure, quand ils affichent leur courage agaçant, alors que toi tu te mets à chialer parce qu’une putain de feuille de papier t’a coupé le doigt. Les petits cons. Et puis ces clowns d’une mélancolie pathétique qui errent dans les couloirs des mouroirs pour gosses, faussement égayés à grand coup de peintures d’animaux trop lumineuses pour être honnêtes, essayant de faire oublier à ces ex-têtes blondes déjà fantomatiques que la plupart ne verront pas la fin de cette saloperie d’hiver.

Ca y est, je deviens vulgaire. Foutu cancer. Mais quel connard de médecin à l’ironie douteuse t’a refilé un nom pareil, tumeur ? C’était quoi le souci avec « tumeurpa » ? Trop d’espoir ? Publicité mensongère ?

Je n’aime pas ton nom. Ou tous tes noms d’ailleurs. Cancer, tumeur, carcinome, mélanome, connerie bégnine ou vrai saleté maligne foudroyante. Ces mots-là me donnent froid, ces mots de rien du tout, dans leur habillage sournois médico-incompréhensible, me font plus frissonner que le souvenir de ma première vague, de la première caresse d’un corps nu sur le mien ou que l’idée d’enfiler un slip de bain pour aller à la piscine municipale.

Alors oui, ce texte n’est pas drôle. Oui, penser à ça me fait sentir comme l’ombre du bouffon du roi d’un pays pluvieux 1. Et puis après ? Allumez la télé, vous tomberez probablement sur une télé-réalité qui vous fera tout oublier en vous vautrant avec facilité dans la condescendance facile envers vos congénères les plus idiots.

1 Merci Charles et désolé pour les modifications apportées, tu ne m’en voudras pas j’espère.

Les guitaristes de plage

Le guitariste de plage, à l’image du sportif un peu trop expérimenté pour se protéger mais pas assez pour éviter les accident, est foutrement dangereux pour lui même. En effet, comme il est un peu trop expérimenté pour rester humble, mais pas assez pour avoir un vrai public, il vous donnera l’envie quasi systématique de lui retirer des mains le morceau de bois gémissant, fabriqué par des petites mains pour un bol de riz la journée, et de le lui flanquer en travers de la mâchoire en protestation contre l’oppression du peuple chinois, la disparition des ours polaires (oui, encore), la faim en Afrique noire et toutes ces conneries qui font pleurer sur TF1 le dimanche après-midi. Mais aussi et surtout pour qu’il se taise à jamais en s’étranglant sur le massacre quelconque d’un tube unanime.

Bon d’accord, on a tous chanté sur les quatre mêmes accords pendant des heures en se mirant dans les pupilles dilatées des jeunes filles en fleur. Et alors quoi ? C’est pas parce que t’as déjà braillé dans un supermarché pour avoir une bouée-requin à 10 balles que t’es obligé, 15 ans plus tard, de supporter les jérémiades de la triste descendance de tes congénères sans leur retourner une mandale bien placée.

C’est la même chose pour le guitariste de plage : à force de frapper aux portes du paradis comme un con, faut pas s’étonner si quelqu’un le fait entrer dans la demeure de saint-papi-l’oréole plus vite que prévu.

Les catholiques de droite

Là, d’entrée, j’hésite : je sais bien que je ne vais pas me faire des amis avec ce texte… D’un autre côté, c’est vrai aussi que je m’en fous à peu près autant que de la disparition des ours dans le grand Nord 1, donc allons-y.

C’est facile me direz-vous de taper sur les catholiques de droite, c’est un peu comme s’acharner sur les chauffeurs de taxi séropositifs ou les unijambistes racistes, même si je dois avouer que ces derniers ne courent pas les rues ou seulement à moitié.

Oui mais bon, voilà, ces deux exemples de premier choix n’incluent pas le paradoxe odieusement hypocrite contenu dans les mots “catholique de droite”, véritable exemple d’oxymore qui devrait remplacer dans les manuels scolaires cette saloperie d’obscure clarté tombant des étoiles, dont tout le monde se fout autant que moi des ours polaires susmentionnés 2.

Je finirai par ce cocasse verset biblique qui prouve, une fois de plus, que les premiers gourous de ce monde ne manquaient pas d’humour : “Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.” (Marc 10:25).

Alors, deux de choses l’une, soit la plupart des cathos de droite sont pauvres (ça va, on peut plaisanter…), soit ils ont une confiance inquiétante dans la souplesse des camélidés blatérant du désert.

1 C’est pas vrai, c’est une phrase purement réthorique, vous me voyez sincèrement chagriné par l’anéantissement de la seule créature, avec le Bibendum Michelin, qui réussit l’exploit d’être à la fois ridicule et effrayante.
2 Toujours réthorique.

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »

Pour inaugurer (clap !clap ! 1)  cette nouvelle catégorie sur les phrases à la con, j’en ai choisi une qui me tient particulièrement à cœur : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ».

A dire vrai, cette phrase ne m’évoque que le vomissement verbal d’une pauvre adolescente qui, parce que l’assistant croque-mort aux veines pré-tailladées lui servant de copain a foutu le camp avec la belle aux bois-dormant, se rassure dans le rabâchage vain de cette rengaine crétine.

Mais ça ne marche pas comme ça, petite : la première partie des choses qui ne vous tuent pas, comme éviter les joints des carrelages dans les supermarchés ou se poser des questions sur la vie (voire les deux en même temps, ce n’est pas exclu) ne vous tuent pas et c’est  tout.  Ce n’est déjà pas si mal.

La seconde partie des choses qui ne vous tuent presque pas, comme perdre une main dans une moissonneuse-batteuse, voir le dernier souffle sortir du corps de son enfant ou se faire mutiler le visage parce qu’on est une femme dans un monde de cons, ça vous rend à n’en pas douter beaucoup plus faible.

1 Oui, vous ne rêvez pas, il s’agit bien d’une tentative de représentation onomatopéique d’applaudissement ! Et non, je n’ai pas honte de m’auto-applaudir.

Ces gens qui parlent fort

J’ai toujours cru à une théorie selon laquelle la puissance de voix utilisée par les gens en public est bien souvent inversement proportionnelle à leur capacité intellectuelle. Attention, ne vous méprenez pas : j’ai également croisé bon nombre d’imbéciles s’exprimant à volume modéré, au même titre que l’on rencontre des commerçants honnêtes ou des patrons philanthropes.

N’importe comment, aboyer ouvertement la triste monotonie de ses journées mornes à la façade froide d’une balise à con portative 1 n’a jamais appuyé l’affirmation selon laquelle l’homme dominerait l’animal par sa faculté de parole, à défaut de le dominer par sa faculté de réflexion. Mais ces partisans de la discussion par BCP 2 interposée — distinguables entre autres par l’évocation bruyante de leur menu du soir face au rayon cassoulet/saucisses-lentilles — ne sont pas les seuls vrille-tympans à officier dans l’entourage quotidien des honnêtes chuchoteurs.

L’autre catégorie de joyeux tympanicides sans vergogne dont je veux parler constitue ces individus qui pensent, par une logique mystérieuse, que l’écoute de leur verbe nécessite l’anéantissement sonore par KO de tout son parasite. Ils n’auront de cesse pour exposer leurs pensées — qui, si on se fie à la théorie évoquée plus haut, n’ont guère de chance de briller par leur perspicacité —   d’augmenter leur volume jusqu’à saturation afin de ne laisser aucune chance à leurs pauvres interlocuteurs de s’insérer dans ce mono-dialogue crispant.

Ces énergumènes sont la lie de la parole, ils sont à la discussion ce qu’est le Parti Communiste à la Chine ou les 4×4 flanqués de pare-buffles à la route. Et pour peu que vous finissiez par exaspération à beugler plus fort qu’eux, ils vous rétorqueront, avec cette expression de bêtise qui leur est propre : « Hé, c’est pas la peine de crier !»

1 Appelé aussi communément « téléphone portable » (cf. Le cinéma)
2 Non mais suivez un peu, nom de Dieu !

La religion

Ah, j’aime à me rouler sans retenue dans la polémique la plus virulente ! Je me réjouissais donc d’attaquer un jour cette diatribe assumée contre le plus vieux garde fou – non, ne cherchez par le tiret – du monde.

Non mais soyons sérieux deux minutes, quel espèce de Dieu sain d’esprit exhorterait ses fidèles suiveurs à arborer fièrement des bouts de ficelle tressés pendant lascivement du pantalon, un accoutrement de Belphégor grillagé ou une calvitie volontaire ? Quoi que ces derniers bedonnants puissent la plupart du temps s’envoyer une petite lampée de Chartreuse approuvée par le Vatican pour supporter leur difficile existence de capillo-déficients asexués.

D’ailleurs, en parlant de sexe et de pays ridicule,  quel sorte de représentant sur terre du grand auréolé demanderait à ses fidèles égarés de ne s’unir que dans le strict but de procréer ? Il faut quand même en tenir une sacré couche – au sens figuré, celle-ci. A croire qu’il touche un pourcentage sur la vente des Renault Espace… Et pour ceux qui sont sans permis de conduire ou sans pondeuse, il ne leur restera qu’à évacuer leur frustration en investissant nos belles églises de leurs litanies lancinantes.

Cela dit, gardons à l’esprit qu’une grande partie des individus de cette planète préfèrent hurler en haut des tours plutôt que de se prêter à cette chorale amateur aux accents dépressifs.
Des gens tout à fait charmants, par ailleurs, même s’ils jettent parfois quelques pierres sur les femmes ou quelques avions sur les tours. Et tout ça à cause du plus vieux téléphone arabe du monde ou comment, 2000 ans après qu’un jeune philosophe plein de bon sens ait évoqué les bienfaits de la fidélité, un barbu hystérique pense briller aux yeux de son saint patron lorsque, voyant sa femme de compagnie esquisser un regard vers un autre adepte de la pilosité faciale, il décide gaiement de lui décocher un morceau de granit en travers de la mâchoire. Soit. On ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a un sacré problème de perte de l’information.

Alors voilà, moi je n’ai rien contre Dieu mais comprenez que quand je vois l’omniprésence de la bêtise chez mes comparses humains, je ne peux que m’interroger sur celui qui les a fait à son image.

Le blind test

Il est de bon ton, parfois, dans ces soirées entre amis où l’on s’amusait pourtant de manière raisonnable, de proposer aux convives l’aventure d’un quiz musical. Ce petit jeu, également appelé « blind test » chez les anglophiles avertis, s’avèrera la plupart du temps une expérience traumatisante de profonde solitude.

En effet, si les joyeux instigateurs de ce divertissement effrayant ont plus de 3 ans d’écart ou des centres d’intérêt un tant soit peu éloignés des vôtres — et par la même du bon goût, cela va sans dire — vous allez passer le reste de votre misérable soirée à faire semblant de reconnaître ce groupe qui a cartonné à l’automne 91, à tenter de balbutier une réponse à un générique de dessin-animé japonais heureusement oublié, ou à vous maudire intérieurement de ne pas avoir reconnu le 3ème mouvement de la 9ème symphonie en ut majeur de Schubert.

Mais vous aurez peut-être, par chance, échappé à la surexcitation du geek psychotique qui, après avoir emmerdé tout le monde en réclamant des heures durant une série « musiques de jeux-vidéos », finit par être exaucé au grand dam des autres participants vaincus à l’usure et s’empressera, les yeux brillants pour ce moment de gloire à sens unique, de balancer des noms asiatico-incompréhensibles à travers l’assemblée médusée par ces sons stridents d’un autre temps, entre le signal de recul d’un poids-lourd et l’électrocardiogramme d’un mourant.

Je me fais alors un devoir de ne pas rester muet devant la dictature de ce test aveugle : il vaut franchement mieux être sourd que de vivre ça !

Le cinéma

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement j’ai de plus en plus de mal avec le cinéma.

Non mais sans rire, c’est à croire qu’à la manière des poupées qui ferment les yeux quand on les couche, l’humain sort son portable quand on l’assoie ! Tout ça dans l’espoir d’y lire le message en demi-français qu’un autre texto-maniaque illettré lui envoie sur son appareil de compagnie. Ou, encore mieux, de faire défiler les photos de son dernier voyage sur son machin tactile, affirmant par la même son appartenance à la grande chaîne des joyeux sociaux-déprimés, viande à Facebook écœurante flirtant avec les prémices effrayants de l’amitié virtuelle.

N’importe comment, pourquoi tous ces cancéreux du cerveau en devenir attendent ce foutu moment pour s’envoyer quelques ondes supplémentaires derrière la cravate ?

Bon, cela dit, il est vrai que cette détestable manie a l’avantage, par la constellation d’écrans illuminant la salle, de pouvoir situer très rapidement l’emplacement d’une bonne moitié de ces sombres crétins qui constituent les 80% de notre espèce. Cela vous laissera une chance de les éviter, en priant pour ne pas se retrouver engoncé entre deux boulimiques pop-cornophages, leur main revenant constamment piocher ces affreuses friandises dont la mastication bruyante, digne d’une portée de têtes blondes engouffrant des Kellog’s avant la messe du dimanche, ne cessera de vous rappeler pourquoi le son est réglé si fort.

Mon petit conseil pour rendre ce moment moins pénible : profitez que votre voisin ait les mains occupées sur sa balise à con portative pour installer sournoisement et durablement votre bras sur l’accoudoir. Le voir ensuite se tortiller pour trouver une position confortable, à défaut de rendre l’animal silencieux, aura au moins pour mérite de vous procurer un sentiment de satisfaction vengeresse bien méritée !

Le débat

Débattre sur le débat : voilà une tentative qui effraierait toute personne ayant déjà un début de migraine à la simple évocation de l’absurdité spatiale de la « Vache-qui-rit ». Ce que j’en dis moi : rira bien qui rira le dernier !

Oublions donc cette vache et revenons à nos moutons, qui eux n’ont vraiment pas de quoi être hilare. En effet, j’ai la désagréable impression que les débats ont la vie dure, le monde se gonflant sans cesse de timorés de plus, préférant la douce niaiserie d’un soporifique échange sur les conditions atmosphériques, plutôt qu’oser exposer leur avis sur des choses plus intéressantes que leurs petits soucis – toujours pire que ceux du voisin – dont tout le monde se fout royalement.
Ils vous diront qu’à quoi bon débattre puisque chacun garde constamment ses idées ? Vous remarquerez qu’il s’agit souvent de ces guimauves intellectuelles errant dans nos rues, arrosant le sol de leurs divers déchets, parce qu’à quoi bon utiliser la poubelle puisque personne ne le fait ? Mais c’est vrai ça : à quoi bon ? Et à quoi bon réfléchir puisque personne ne le fait non plus?
Ces gens-là me révulsent car ils sont l’incarnation même de la lâcheté ou de la suffisance. La lâcheté d’une moitié d’homme n’ayant même pas la force de défendre ses idées. La suffisance d’une moitié d’animal tellement sûr de ce qu’il croit qu’il en accepte l’idée de ne changer d’avis que par sa seule réflexion.

Et pour finir n’oublions pas, comme le disait je crois Bertrand Cantat, qu’« il vaut mieux débattre sans fin que de battre sa femme ».

Les commerciaux

Mais c’est quoi un commercial? Qu’est-ce que ça fait un commercial? Est-ce qu’on grandi vraiment avec l’idée d’être commercial? Les gens n’ont-il donc plus de rêves pour vouloir passer leur vie à créer ceux des autres?

On peut vendre n’importe quoi et c’est assurément triste. Mais il est plus triste encore de voir tout ce n’importe quoi vendu par « n’importe qui ». Un « n’importe qui » qui a de toute manière compris – et c’est déjà un exploit – que ce n’est pas l’intelligence qui fait vendre n’importe quoi.
Je tiens à préciser que ces « n’importe qui » n’englobent pas les quelques amis commerciaux qui me liront, ceux-ci étant bien évidemment l’exception qui confirme la règle, brillant par la grandeur de leur personnalité qui les retient de rêver, dans les sombres délires de leurs nuits blanches, à une enquête de quatre pages dans Stratégies sur leur futur jeune entreprise florissante fondée sur un soupçon de connaissance dans les nouveaux médias, une bonne part de communication audacieuse et dynamique, et une masse énorme d’abrutis esseulés n’ayant d’autres recours pour se socialiser que de se jeter sur tous les nouveaux sites communautaires pourrissant la toile, comme les commerciaux pourrissent le monde.
J’ai bien peur qu’un jour la vie de nos enfants se résument à deux choix : vendre ou être vendu.

Vision d’apo-capitalisme mise à part, rappelons donc à ces « n’importe qui » que, s’ils passent de l’une à l’autre pour vendre leur camelote, c’est du chemin entre créateur et receveurs qu’ils sont la vulgaire porte.