Les trentenaires

Les trentenaires

Bon, le titre est un peu racoleur : je ne vais pas vous parlez des trentenaires en général mais plutôt d’une partie des trentenaires, ceux oeuvrant dans ces soirées à base d’apéro dînatoire et de blind-test spécial eighties.  Vous savez, ils ont toujours cet air un peu supérieur qui vous dit “ j’ai passé un cap dans ma  vie”. Cette sorte d’étape où on est censé arrêter ses conneries de post-ado et assumer les lourdes responsabilités de la vie d’adulte. Tu parles d’un cap de merde.

Un des sujets de prédilection de ces gens-là, donc, c’est bien sûr les gosses. Alors là, plusieurs options :

  • c’est un couple qui a déjà procréé et, quand il n’est pas occupé à émettre des cris suraigus, le fruit de leur entrailles est déjà probablement en train de répandre les siennes sur tes pompes. S’ils ont eu l’intelligence de ne pas ramener leur rejeton, ils vous parleront de la consistance de ses repas et là, alerte, c’est le moment de vous casser avant qu’ils ne passent de l’ingestion à la déjection…
  • c’est un/une célibataire qui se rend compte, en voyant sa vie commencer à filer entre ses doigts, qu’il/elle aimerait laisser son empreinte sur terre et bla bla bla… Pathétique et désespérante de banalité, cette conversation vous laissera dans l’inquiétante probabilité qu’un jour cette empreinte verra le jour.
  • c’est un couple qui n’a pas d’enfant mais qui en parle quand même. Ceux là sont aussi chiants que les autres mais on leur en veut moins. On leur en veut moins parce qu’il y a 90% de chance que leur couple se déchire dans un avenir proche et qu’on a quand même un peu de compassion.

L’autre sujet qu’affectionnent ces joyeux drilles, c’est leur travail  :

  • le couple de jeunes parents de tout à l’heure, quels que soient leurs boulots respectifs, continuera de parler de leur progéniture à travers la conversion, en s’extasiant sur le congé maternité ou sur je ne sais quel sujet qu’ils peuvent relier à leur progéniture, non mais bordel est-ce que vous avez d’autres sujets de conversation nom de dieu ? Désolé, je m’emporte.
  • le/la célibataire sera sur son terrain de jeu favoris, le boulot c’est toute sa vie. Littéralement toute sa vie, j’entends. N’ayant absolument aucun autre domaine où s’épanouir, il/elle ne manquera pas de vous assommer de détails exaltants sur  son agence de “com”, vous donnant presque envie de retourner parler de couches-culottes avec les autres bébé-maniaques. Si vous êtes du sexe opposé(ou pas, restons gay-friendly) et en plein désespoir amoureux, inspirez un bon coup et faites mine de vous passionner pour son travail 1.
  • les deux trentenaires formant tant bien que mal le futur ex-couple ne font pas le même travail. Mais alors pas du tout. Du genre créatif publicitaire cocaïnomane et experte comptable en voie de sédentarisation. Il sauterons sur le sujet de conversation pour s’envoyer des petites phrases assassines, véritables acteurs d’un vaudeville au rabais, figeant votre expression entre le sourire gêné et le rire nerveux.

Et, lorsqu’en fin de soirée, la célibataire 2, ronde comme une bille après s’être enfilé un chapelet de cocktails de trentenaires 3, grimpera sur la table, au milieu des reste de verrines et de pain surprise, afin de prouver à l’assemblée que ses attributs mammaires n’ont rien perdu de leur maintient d’antan, alors là, plutôt que de crier le fameux “à poil” comme dans votre tendre jeunesse, vous partagerez le regard de pitié de vos petits camarades, la tête baissée devant le spectacle fâcheux d’une femme ayant perdu autant de dignité que d’objectivité sur la nature de son corps.

Et voilà, si ça continue comme ça,  dans trois ans je proposerai des mojitos maison et des mini croque-monsieur à de jeunes parents fringuants et autres célibataires endurcis. Peut-être vaudrait-il mieux que les mayas aient raison sur 2012.

1 Globalement, si vous êtes devant une quelconque personne digne d’attrait et en désespoir amoureux, faites toujours mine de vous intéresser à quoi que ce soit qu’elle puisse dire, même si c’est aussi chiant que la peinture sur verre. En fait, surtout si c’est aussi chiant que la peinture sur verre.
2 Oui, ça devient une femme, j’en ai marre de jouer avec les “le/la”, et c’est un peu plus classe pour ce qui va arriver.
3 Bloody mary, white russian et autres saloperies sortant tout droit du bouquin “101 cocktail faciles”, reçu en cadeau avec le shaker lors de la pendaison de crémaillère du mois dernier.

« Une de perdue, dix de retrouvées. »

10 femmes

Mais combien de fois j’ai pu entendre cette phrase… Tout ça parce qu’il est plus facile, plutôt que de gentiment se taire, d’utiliser une formule toute faite qui est à peu près aussi crédible que la mention “véritable omelette de la mère Poulard” sur ces putains de bouges à touristes salopant les pentes du Mont Saint-Michel 1.

Je me rend compte cependant que, si j’ai si souvent entendu ces mots, c’est que les jeunes filles les ayant provoqués – jeunes traîtresses infâmes se mordant les doigts dans leurs draps froids et vivant dans le sombre regret d’un choix stupide – ont du souvent s’entendre dire d’autres crétineries surannées du type “on est mieux toute seule que mal accompagnée”. Bon, ça ne me réconforte que moyennement finalement.

Non mais sans rire ? Comment ça dix de retrouvées ? Si la moitié des personnes de sexe féminin que tu fréquentes font déjà partie des “perdues” , un bon quart de ta famille et que celles qui restent ne sont pas dans la première catégorie pour d’excellente raisons, la tâche me semble ardu.
Oui, d’accord, c’est envisageable en se découvrant un talent soudain de séducteur s’épanouissant étrangement dans la pâle mornitude post-rupture ou en tapant dans la fille de joie à bas prix : effrayant mélange de dentelle Tati et de bourrelets adipeux, soldée à 4h du mat’ rue Saint-Denis et partageant le pathétisme d’un DVD en promo dans un sexshop discount 2. Voire également, il est vrai, en s’incrustant dans la soirée post-diplome d’une école de commerce de seconde zone, remplie de fifilles alcoolisées en pleine chute de tension, fondant à la moindre attention pouvant occulter, quelques instants seulement, l’angoisse légitime d’une future vie de cadre moyen en banlieue pavillonnaire.

Donc oui, dans certains cas on peut dire “une de perdue, dix de retrouvées” mais, clairement, la qualité est en deçà de la quantité. Qu’est-ce qu’on en a à foutre d’une dizaine de princesses quand le royaume a perdu sa reine ?
Restons donc honnête : “une de perdue, une de perdue”. Et c’est tout.

1 Pour être tout à fait franc, je n’en ai rien à cirer du Mont Saint-Michel mais je trouvais l’analogie charmante.
2 Oui, ça existe. Et je le sais simplement  parce que je fais des recherches avant d’écrire, bande de petits curieux.