La religion

Ah, j’aime à me rouler sans retenue dans la polémique la plus virulente ! Je me réjouissais donc d’attaquer un jour cette diatribe assumée contre le plus vieux garde fou – non, ne cherchez par le tiret – du monde.

Non mais soyons sérieux deux minutes, quel espèce de Dieu sain d’esprit exhorterait ses fidèles suiveurs à arborer fièrement des bouts de ficelle tressés pendant lascivement du pantalon, un accoutrement de Belphégor grillagé ou une calvitie volontaire ? Quoi que ces derniers bedonnants puissent la plupart du temps s’envoyer une petite lampée de Chartreuse approuvée par le Vatican pour supporter leur difficile existence de capillo-déficients asexués.

D’ailleurs, en parlant de sexe et de pays ridicule,  quel sorte de représentant sur terre du grand auréolé demanderait à ses fidèles égarés de ne s’unir que dans le strict but de procréer ? Il faut quand même en tenir une sacré couche – au sens figuré, celle-ci. A croire qu’il touche un pourcentage sur la vente des Renault Espace… Et pour ceux qui sont sans permis de conduire ou sans pondeuse, il ne leur restera qu’à évacuer leur frustration en investissant nos belles églises de leurs litanies lancinantes.

Cela dit, gardons à l’esprit qu’une grande partie des individus de cette planète préfèrent hurler en haut des tours plutôt que de se prêter à cette chorale amateur aux accents dépressifs.
Des gens tout à fait charmants, par ailleurs, même s’ils jettent parfois quelques pierres sur les femmes ou quelques avions sur les tours. Et tout ça à cause du plus vieux téléphone arabe du monde ou comment, 2000 ans après qu’un jeune philosophe plein de bon sens ait évoqué les bienfaits de la fidélité, un barbu hystérique pense briller aux yeux de son saint patron lorsque, voyant sa femme de compagnie esquisser un regard vers un autre adepte de la pilosité faciale, il décide gaiement de lui décocher un morceau de granit en travers de la mâchoire. Soit. On ne m’ôtera pas de l’idée qu’il y a un sacré problème de perte de l’information.

Alors voilà, moi je n’ai rien contre Dieu mais comprenez que quand je vois l’omniprésence de la bêtise chez mes comparses humains, je ne peux que m’interroger sur celui qui les a fait à son image.

Le blind test

Il est de bon ton, parfois, dans ces soirées entre amis où l’on s’amusait pourtant de manière raisonnable, de proposer aux convives l’aventure d’un quiz musical. Ce petit jeu, également appelé « blind test » chez les anglophiles avertis, s’avèrera la plupart du temps une expérience traumatisante de profonde solitude.

En effet, si les joyeux instigateurs de ce divertissement effrayant ont plus de 3 ans d’écart ou des centres d’intérêt un tant soit peu éloignés des vôtres — et par la même du bon goût, cela va sans dire — vous allez passer le reste de votre misérable soirée à faire semblant de reconnaître ce groupe qui a cartonné à l’automne 91, à tenter de balbutier une réponse à un générique de dessin-animé japonais heureusement oublié, ou à vous maudire intérieurement de ne pas avoir reconnu le 3ème mouvement de la 9ème symphonie en ut majeur de Schubert.

Mais vous aurez peut-être, par chance, échappé à la surexcitation du geek psychotique qui, après avoir emmerdé tout le monde en réclamant des heures durant une série « musiques de jeux-vidéos », finit par être exaucé au grand dam des autres participants vaincus à l’usure et s’empressera, les yeux brillants pour ce moment de gloire à sens unique, de balancer des noms asiatico-incompréhensibles à travers l’assemblée médusée par ces sons stridents d’un autre temps, entre le signal de recul d’un poids-lourd et l’électrocardiogramme d’un mourant.

Je me fais alors un devoir de ne pas rester muet devant la dictature de ce test aveugle : il vaut franchement mieux être sourd que de vivre ça !

Le cinéma

Je ne sais pas pour vous, mais personnellement j’ai de plus en plus de mal avec le cinéma.

Non mais sans rire, c’est à croire qu’à la manière des poupées qui ferment les yeux quand on les couche, l’humain sort son portable quand on l’assoie ! Tout ça dans l’espoir d’y lire le message en demi-français qu’un autre texto-maniaque illettré lui envoie sur son appareil de compagnie. Ou, encore mieux, de faire défiler les photos de son dernier voyage sur son machin tactile, affirmant par la même son appartenance à la grande chaîne des joyeux sociaux-déprimés, viande à Facebook écœurante flirtant avec les prémices effrayants de l’amitié virtuelle.

N’importe comment, pourquoi tous ces cancéreux du cerveau en devenir attendent ce foutu moment pour s’envoyer quelques ondes supplémentaires derrière la cravate ?

Bon, cela dit, il est vrai que cette détestable manie a l’avantage, par la constellation d’écrans illuminant la salle, de pouvoir situer très rapidement l’emplacement d’une bonne moitié de ces sombres crétins qui constituent les 80% de notre espèce. Cela vous laissera une chance de les éviter, en priant pour ne pas se retrouver engoncé entre deux boulimiques pop-cornophages, leur main revenant constamment piocher ces affreuses friandises dont la mastication bruyante, digne d’une portée de têtes blondes engouffrant des Kellog’s avant la messe du dimanche, ne cessera de vous rappeler pourquoi le son est réglé si fort.

Mon petit conseil pour rendre ce moment moins pénible : profitez que votre voisin ait les mains occupées sur sa balise à con portative pour installer sournoisement et durablement votre bras sur l’accoudoir. Le voir ensuite se tortiller pour trouver une position confortable, à défaut de rendre l’animal silencieux, aura au moins pour mérite de vous procurer un sentiment de satisfaction vengeresse bien méritée !

Le débat

Débattre sur le débat : voilà une tentative qui effraierait toute personne ayant déjà un début de migraine à la simple évocation de l’absurdité spatiale de la « Vache-qui-rit ». Ce que j’en dis moi : rira bien qui rira le dernier !

Oublions donc cette vache et revenons à nos moutons, qui eux n’ont vraiment pas de quoi être hilare. En effet, j’ai la désagréable impression que les débats ont la vie dure, le monde se gonflant sans cesse de timorés de plus, préférant la douce niaiserie d’un soporifique échange sur les conditions atmosphériques, plutôt qu’oser exposer leur avis sur des choses plus intéressantes que leurs petits soucis – toujours pire que ceux du voisin – dont tout le monde se fout royalement.
Ils vous diront qu’à quoi bon débattre puisque chacun garde constamment ses idées ? Vous remarquerez qu’il s’agit souvent de ces guimauves intellectuelles errant dans nos rues, arrosant le sol de leurs divers déchets, parce qu’à quoi bon utiliser la poubelle puisque personne ne le fait ? Mais c’est vrai ça : à quoi bon ? Et à quoi bon réfléchir puisque personne ne le fait non plus?
Ces gens-là me révulsent car ils sont l’incarnation même de la lâcheté ou de la suffisance. La lâcheté d’une moitié d’homme n’ayant même pas la force de défendre ses idées. La suffisance d’une moitié d’animal tellement sûr de ce qu’il croit qu’il en accepte l’idée de ne changer d’avis que par sa seule réflexion.

Et pour finir n’oublions pas, comme le disait je crois Bertrand Cantat, qu’« il vaut mieux débattre sans fin que de battre sa femme ».

Les commerciaux

Mais c’est quoi un commercial? Qu’est-ce que ça fait un commercial? Est-ce qu’on grandi vraiment avec l’idée d’être commercial? Les gens n’ont-il donc plus de rêves pour vouloir passer leur vie à créer ceux des autres?

On peut vendre n’importe quoi et c’est assurément triste. Mais il est plus triste encore de voir tout ce n’importe quoi vendu par « n’importe qui ». Un « n’importe qui » qui a de toute manière compris – et c’est déjà un exploit – que ce n’est pas l’intelligence qui fait vendre n’importe quoi.
Je tiens à préciser que ces « n’importe qui » n’englobent pas les quelques amis commerciaux qui me liront, ceux-ci étant bien évidemment l’exception qui confirme la règle, brillant par la grandeur de leur personnalité qui les retient de rêver, dans les sombres délires de leurs nuits blanches, à une enquête de quatre pages dans Stratégies sur leur futur jeune entreprise florissante fondée sur un soupçon de connaissance dans les nouveaux médias, une bonne part de communication audacieuse et dynamique, et une masse énorme d’abrutis esseulés n’ayant d’autres recours pour se socialiser que de se jeter sur tous les nouveaux sites communautaires pourrissant la toile, comme les commerciaux pourrissent le monde.
J’ai bien peur qu’un jour la vie de nos enfants se résument à deux choix : vendre ou être vendu.

Vision d’apo-capitalisme mise à part, rappelons donc à ces « n’importe qui » que, s’ils passent de l’une à l’autre pour vendre leur camelote, c’est du chemin entre créateur et receveurs qu’ils sont la vulgaire porte.

Le métro

Attention : le métro ne doit pas être confondu avec le zoo. Le zoo permet d’observer des animaux crasseux et malodorant, parqués tristement derrière des vitres sales sur lesquels s’étalent régulièrement leurs naseaux visqueux. Le métro, lui, permet en sus de se rendre d’un point A à un point B en n’utilisant presque pas ses jambes.

Je dis presque pas car, pour peu qu’un crétin ait confondu la voie avec un chemin piéton , qu’un crétin ait oublié un paquet qui fait « tic-tac » sous un siège, ou qu’un crétin dirige notre belle nation, toute cette belle machinerie se retrouvera bloquée jusqu’à la saint-glinglin, laissant une marée humaine s’autoproclamant, par mimétisme télévisuel imbécile, « otage » de ces ignobles kidnappeurs sans vergogne, véritables bourreaux modernes sans foi ni loi, affreux croque-mitaines des voies ferrées risquant les honnêtes travailleurs à utiliser leurs pieds à défaut de leur cerveau. Oups, je m’emporte ouvertement. Je m’en excuse et la referme aussitôt.

J’en reviens donc à cette incroyable basse-cours dans laquelle vous retrouverez, pêle-mêle, l’ours placide ayant confondu la barre du métro avec le dernier soutient possible à son corps informe, écrasant nonchalamment vos doigts sous son échine Sergio Tacchini, la vieille chouette toute froissée d’aigreur, couvant son strapontin en fixant de ses petits yeux perçants la chair tassée des heures de pointe, ou encore ce primate décérébré découvrant la technologie et diffusant le tube de l’Eté à travers toute la rame, conférant à ses fils ridicules qui lui sortent des oreilles une inutilité absolue.

Et, quand un unijambiste muet vient dans l’impudeur la plus complète déposer son CV sur la banquette qui me fait face, l’envie me prend soudain, dans l’espoir d’éjecter pour quelques instants cette masse informe de populace collante hors de mon espace vital, de tendre, à bout de bras et de nerfs, cet ersatz de carton rouge.

Les mélomanes

Les mélomanes sont dénommés ainsi, car le terme « emmerdeur mono maniaque » était assurément trop long. De plus, la comparaison eut été fort dégradante envers les emmerdeurs, mono maniaques ou pas.

Étymologiquement, le mot vient du grec « mélo », pièce de théâtre ou film tragico-chiant et de l’américain « mane », super-héros (voyez Superman ou Spiderman…) : le mélomane est donc bel et bien un super casse-couilles.

Si le cleptomane est un voleur compulsif, le pyromane un ignoble incendiaire, le mythomane un menteur maladif et la nymphomane une femme de caractère, on voudrait nous faire croire que le mélomane, lui, est une sorte de gentil passionné de musique, le casque à l’oreille et l’oreille hardie. Mais on nous ment ! On nous fourvoie, on nous gruge ouvertement sous le couvert des mystères de la langue française ! Je le dis haut et fort : le mélomane est bien ce TOCé – prononcez « toqué »– répugnant auquel son patronyme fait référence. Il n’aura de cesse de vous alpaguer pour partager avec vous sa dernière trouvaille « musicale », un groupe de rock indépendant et obscur, aux consonances diablement psychédéliques et bigrement chiantes, et aux paroles aussi profondes que le doublage d’un épisode de Goldorak.
Bien entendu, il l’aura découvert par sa nature même de fouineur invétéré, constamment à la recherche du diamant brut caché au regard, ou plutôt aux oreilles, des honnêtes gens. Ou alors grâce à son abonnement aux Inrockuptibles. Ce magazine de prédilection du mélomane, à l’instar de ces torches-fesses en mauvais papier distribués gratuitement à la sortie des métros, permettra à celui-ci de jeter son dévolu sur un pseudo concert inaudible, au fin fond d’une cave à bruit parisienne embaumant la sueur et la mauvaise bière.

J’entends déjà s’élever l’étendard sanglant des engagés du dimanche, et autres défenseurs des causes perdues : « la musique n’est elle pas justement conçue pour parvenir aux oreilles des gens ? ». Je suis absolument d’accord avec eux : la musique est conçue pour parvenir aux oreilles des gens. Pas à celles des mélomanes.

L’Astrologie

Admettre qu’une poignée d’étoiles observées sous un certain angle, et probablement sous une certaine couche de psychotropes divers, puissent

revêtir l’apparence de toute une ribambelle de joyeuses créatures issues de ce que la mythologie grecque a créée de plus hétéroclite et de plus absurde, pourquoi pas.

Supposer que la vie de chacun est régie par des frères jumeaux à poil, un bouc à queue de sirène, un crabe ou une balance, je commence à tiquer un tantinet mais concédons.

De là à croire qu’un alignement de planète dont tout le monde se fout royalement – à part s’il vous oblige à porter des lunettes ridicules pour admirer la nuit en plein jour – puisse rendre plus jouasse mon gardien d’immeuble, au demeurant fort sympathique malgré une forte réticence à toute forme de bonne humeur, il y a un pas que je qualifierais si j’osais, et j’ose, d’astronomique.

D’aucuns diront, bien entendu, que croire en l’astrologie ça ne s’explique pas, que c’est comme croire en Dieu, Bouddha, la science ou la politique. C’est bien ce que je dis : c’est des conneries.
On nous parlera alors de repère quotidien et rassurant, à l’égard des paumés de la vie, plaçant ainsi les âneries compulsives d’une vieille bourgeoise au foyer avinée au même plan qu’une bouteille de whisky, un comprimé de Xanax ou le Journal Télévisé de David Pujadas. Ces trois derniers « repères » étant eux-mêmes, à n’en point douter, ceux de la Mme Irma de salon susmentionnée, on comprendra aisément la haute portée intellectuelle de ses élucubrations hebdomadaires qu’elle insère, pour tromper son ennui suffocant, dans l’espace situé entre « vôtre numérologie 2009» et « la fellation en 18 leçons » d’un magazine féminin quelconque. La boucle est bouclée, CQFD.

Cela dit, et je finirais là-dessus, quand j’entends parler de Vierge ascendant Taureau, Bélier voire même Sagittaire, je me console de savoir, en écartant par bon sens toute hypothèse bibliquement logique d’immaculé coït, qu’on n’est assurément pas les seuls à se faire enculer dans l’histoire.

Les dépressifs

Je hais les dépressifs. Il est chez eux, comme chez les vieux ou chez les chiens, cette détestable manie de couiner sans cesse. Dans leurs moments de détresse, les yeux mouillants, magnifiques d’égocentrisme et empestant l’histoire tragique de leur misérable existence quotidienne, ils tentent de vous engluer dans la vision sinistre du monde qui vous entoure. Oui, il vous entoure aussi, paraît-il.

Et alors la logorrhée, que dis-je, la purge verbale, vous éclabousse les oreilles sans prévenir, véritable symphonie au désespoir : ruptures douloureuses, cure de désintoxication ou animal de compagnie baveux, ayant fini ses jours sous la chaise du père sans emploi, seul, moche, gros et alcoolique. Une affaire de famille, quoi. Oui, mais voilà : ce n’est pas la vôtre…

Et, non content d’avoir déjà ruiné une bonne partie de votre moral, ils continueront de vous éjecter sans sommation leur pessimisme latent au visage, le regard presque éteint et, à les entendre, la corde presque au cou. Si ça intéresse quelqu’un, je sais faire les nœuds coulant.

La culture

Entendons-nous bien : loin de moi l’idée absurde de me placer contre la culture en tant que telle! C’est plutôt contre cette notion même de culture pour l’élite autoproclamée, sévissant à chaque recoin de dîners mondains, de dîners bobos, de dîners à étaler en photos de mauvaise qualité en dernières pages de Voici, voire de dîners tout court, que je m’élève.

Les bouffeurs de cultures, donc, me débectent. Ils ont l’allure effrayante de ces boulimiques en pleine crise, se jetant toutes oreilles ouvertes sur les derniers vernissages de Paris 6ème, s’amassant tout transpirant de mots érudits pour expliquer un rouleau de papier-cul suspendu par une ficelle, se bâfrant de petits-fours et de coupes de champagne pour finir saoul comme cochon, le nez du même rose que la toile d’un goût douteux à laquelle, soit-dit en passant, ils tournent le dos.

De ces charmantes excursions culturelles, qui ressemblent foutrement, sans vouloir être grossier, à une bonne biture où l’on peut se goinfrer à l’œil et papillonner aux milieux de la représentation de l’art contemporain (d’ailleurs beaucoup plus souvent con que temporain, si je puis me permettre le calembour), ils reviennent les yeux brillants, tout dégoulinant de cette culture non-digérée qu’ils peinent à retenir aux coins de leur bouche, pour venir vous la régurgiter devant les yeux, l’air digne et satisfait.

Je vais vous dire, moi, je suis comme tout le monde : je n’aime pas beaucoup qu’on me vomisse dessus.