La feuille blanche

Avec elle, tout commence par un duel de regard interminable. Et puis, elle finit toujours par gagner. Gagner, c’est plus facile quand on n’a pas d’yeux à baisser.

Las et désespéré, on se décide finalement à lui en boucher un coin par deux ou trois abstractions picturales, dignes des plus barbantes conversations téléphoniques. Mais c’est compter sans les ressources perverses de la feuille, qui finit par nous tourner le dos, nous déversant son vide à la figure tel le miroir frustrant de notre profond manque d’inspiration.

Puis l’espoir renaît et quelques lettres s’assemblent. Les doigts s’agitent, prêts à libérer le stylo de son long sommeil, tel la légendaire Excalibur scellée dans la pierre. Mais tout à coup l’esprit se réveille : Arthur n’est pas là et Merlin non plus, sa magie ne sauvera pas nos mots qui en manquent cruellement. Alors cette symphonie de rien du tout jouera une dernière fois le requiem moqueur des idées sans lendemain, et, anéanti par ce rectangle blanc, on finira par le hisser au dessus de nos têtes pendantes en guise de drapeau.

Avis aux victimes de cette frêle moqueuse : je fais de très belles cocottes en papier.

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