« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde »

Bon, tant qu’à avoir attendu quatre années avant de me remettre à écrire – ou, plus exactement, à vomir des flots de haine – non sans humour – oui, je pratique l’incise gigogne¹ et je vous emmerde –, on est pas des bêtes – sans complexe aucun –, autant taper dans le sujet d’actualité².

Donc, “on ne peut pas accueillir toute la misère du monde”, qu’il dit l’autre.  Cette phrase sent déjà tellement le demi Picon bière de 15h chez Lulu que s’y attaquer me donne la sensation de faire une balayette à un unijambiste.

Déjà c’est qui, “on” ? La France des canapés Ikea en skaï beige, la peur rivée sur BFM TV et le cerveau qui vit sa vie ? Celle qui vidange sa charité dans le panier de la quête dominicale ? Celle qui, entre peur bleue et colère rouge, se veut surtout blanche ? Celle qui a oublié le dernier mot de sa devise ? Celle qui… Ouais, celle des bons gros connards, quoi³. Voilà. En toute cordialité.

Vous remarquerez d’ailleurs que ceux-ci légitiment souvent cette phrase par une proposition préalable du type “je ne suis pas raciste” ou “je n’ai rien contre ces gens-là”, proposition qui m’incline – et ce malgré ma réticence naturelle aux jugements hâtifs4 – à leur attribuer la vivacité d’esprit d’un Picard ayant baigné 8 mois dans le cocktail liquide amniotique/Kronembourg de l’utérus de sa grande soeur.

Mais sans déconner, tu la visualises bien toute la misère du monde ? Les gamins fabriquant des jean’s pour 4 centimes la journée ? Les petites-filles laissant leur demi-centimètre d’espoir de plaisirs futurs sur une lame de fortune ? Les terres sacrées violées par des bulldozers en costard ? Les visages de femme mutilés à l’acide, les geôles politiques, les familles déchirées pour des mythologies surannées, les pierres dans la gueule et les genoux dans le sol ? Ces vies remplies de rien mais de souffrance, déjà presque mortes, tu sais leur répéter ta maxime éculée – oui, sans haine – en pleine face ?

“C’est une grande misère que de n’avoir pas assez d’esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire.” écrivait La Bruyère. De fait, peut-on réellement vouloir retenir toute la misère du monde à nos portes quand elle est déjà chez nous ?


1 Non, il ne s’agit pas d’une opération in utero sur un foetus russe. L’incise est une façon plus élégante de faire une parenthèse, bande d’incultes terreux.
2 Si vous n’avez pas suivi cette folle expérience ponctuationnelle, c’est normal : c’est peut-être délicieusement élégant mais proprement  illisible.
3 Au bout d’un moment, allons à l’efficacité et coupons court au délire anaphorique qui confine assurément à l’onanisme littéraire. Un peu comme cette phrase, finalement.
4 Si, si.

L’amour exclusif

Je dois avouer, à l’orée de ce texte, que l’idée de botter le cul d’un des piliers de notre société judéo-chrétienne frustrée ne va pas sans me procurer un léger frisson de plaisir. Oui, on peut sans doute ironiser sur beaucoup de choses, Dieu, les handicapés, les filles frigides, les noirs, les castrats ou les crétins de droite mais l’illusion du couple Disney, ça, on rigole pas avec.
Donc voilà, si ce texte froisse vos certitudes et agace votre cerveau étriqué au moins de bouillir de rage, plutôt que de frapper votre amour exclusif ou vos chères têtes blondes élevées dans le strict respect des traditions républicaines, faites un truc bien : expulsez votre trop plein d’amertume en enfonçant les 4 tonnes de ferraille d’un tractopelle dans la baie vitrée du macDo le plus proche 1.

L’amour unique et exclusif, c’est un peu comme la religion : c’est frustrant, contraignant, fouteur de merde et complètement dénué de toute logique, mais ça n’empêche pas la majorité de l’humanité d’y croire par peur de crever tout seul. Et là, désolé, mais je suis obligé de contredire cette croyance qui consiste à s’imaginer une belle mort dans la chaleur feutrée de son entourage. En effet, soit la mort est douce et rapide et personne n’aura le temps de rappliquer, soir elle est dure et longue 2 et, même si toute la clique débarque chaque matin, vous ne cesserez, dans l’angoisse des derniers jours, à penser vendre femme et enfants contre l’annonce d’une survie providentielle.
Je digresse. Pour revenir à notre sujet, cette idée d’amour limité me fait froid dans le dos. Elle s’applique aussi à tes gosses ? Genre “Ah non Kevin, désolé, maman a déjà donné tout son amour à papa et à ta soeur, j’ai plus rien… Non, papa est ric-rac aussi, il n’aime plus maman mais un peu trop ta soeur.” Ça laisse rêveur.

Mais bon, rentrons bien au chaud dans nos petites vies douillettes et écoutons TF1 nous dire que l’amour est beau car inextensible, unique et limité. A l’inverse des ressources de la planète qui, elles, sont inépuisables bien sûr 3.

1 J’adore ces putains de Big Mac, mais tant qu’à passer pour un hippie tout droit arrivé des seventies, je me dis qu’autant compléter le tableau par un complet anarcho-libertaire espérant la mort imminente du système capitaliste.
2 Hé, arrêtez de penser à ça, on plaisante pas avec la mort!
3 Oui, je finis mon portrait de parfait gauchiste avec un petit versant écolo de derrière les fagots.

Le choix

Nom commun masculin – ironique, non ? – qui aurait dû être remplacé par “saloperie de prise de tête”. Probablement à cause de vieux linguistes grabataires sans le moindre sens de l’humour, ce n’est pas le cas.

Du choix le plus anodin – frites ou haricots verts? -, au plus décisif – alors, on coupe le bras ou la jambe ? -, je me sens constamment ramené à ces terribles questions troublant la mastication innocente d’un Carambar : “ tu préfères avoir des limaces qui te sortent du nez ou du chou-fleur qui te pousse dans les oreilles ? ” Sans déconner, il y a de quoi traumatiser les gosses. Alors, évidemment, du haut de nos cerveaux devenus rationnels 1, ça nous fait gentiment sourire. Oui, ça fait sourire, jusqu’au jour où en ouvrant ton paquet de chewing-gum pour adultes 2, t’auras un petit message à l’intérieur de l’emballage : “ tu préfères passer ta vie à faire le même boulot au même endroit avec la même nana ou tout lâcher et partir à l’aventure au risque de mourir d’une balle perdue dans un favela brésilien ? ” Des variantes plus amusantes sont néanmoins possibles : “ tu préfères découvrir ta mère en pornstar amateure sur youtube  ou les vacances thaïlandaises de ton père avec Joseph Fritzl ? ”. Bah ouais, c’est pas parce qu’on est adultes qu’il ne faut plus rigoler.

Personnellement, le traumatisme du choix continue à me poursuivre jusqu’au supermarché, lorsque résonne la question fatidique “chéri, tu vas choisir des yaourts?”. Un tuyau pour vous, les filles : si un jour vous avez besoin d’un moment tranquille pour acheter votre maquillage, vos fringues, vos magazines 3, voire aller fricoter avec un type qui sait ce qu’il veut, n’hésitez pas à utiliser ces mots magiques. En revanche, ayez la gentillesse d’aller récupérer votre homme de compagnie par la suite car il pourrait errer dans ce rayon pendant très longtemps, oscillant entre le fromage blanc 0% et les liégeois en promo.

Alors, oui, il parait que c’est en partie le choix qui nous différencie de l’animal… J’en déduis que les chats ont décidément une vie de roi.

1 Oui, OK : pour une partie d’entre nous seulement.
2 Non, ce n’est pas un nouveau sex toy… Je parle de ces chewing-gums avec des photos d’océan agité qui font croire aux fumeurs qu’ils auront l’haleine mentholée. Les même images décorant les déos à chiottes, ça donne une idée assez claire de l’efficacité.
3 Je suis à cours de clichés sexistes.

« Pleures pas, t’es pas une fille! »

enfant pleures

Un petit texte, en l’honneur de la journée de la femme et d’une phrase à la con trop souvent entendue.

Mais qu’elle est tristement fréquente cette phrase dans la bouche des ersatz de parents jonchant nos rues. Quelques mots de rien du tout, véritables point de départ de la machine à vomir des machos névrosés s’étouffant d’orgueil en ravalant leurs larmes.

Comme s’il suffisait de pleurer pour être une fille. En passant sur les trucs poilus, humides ou rebondissant qui frôlent l’évidence, il faut aussi un paquet d’autres choses. Déjà, dans 3% des cas, il faut être disponible pour que monsieur tapes, tapes, tapes. Après tout, c’est sa façon d’aimer. Ensuite, dans 6% des cas, il faut accepter de temps en temps un petit geste osé, un bisou un peu volé, bref un truc qui fait sourire dans les comédies romantiques. Ah, c’est sans doute parce que, dans les films, la fille ne se fait pas arracher sa culotte de force dans 1,5% des cas. Voila. Accessoirement, il faut aussi savoir conduire moins dangereusement, être plus diplômé et savoir faire plus de deux choses en même temps.

Alors moi, plus je vois les hommes, plus je suis fier de pleurer comme une fille.

Les filles

Les nanas c’est un peu comme les maladies, quand on sait à quoi on a affaire, ça fait déjà un peu moins flipper. Alors dans ma grande bonté et par pur esprit de fraternité envers mes amis masculin 1, je vous livre ici la célèbre classification Yoann 2.0 2 pour votre plus grande joie.

– la fille canon : véritable hymne à l’harmonie, elle est une oeuvre d’art douée de parole et ne le sait que trop bien. Elle apprend en général dès l’école primaire à marcher au ralentie, les yeux légèrement mi-clos – le fameux syndrome “Jessica Rabbit” -, un petit sourire au coin des lèvres en toutes circonstances, comme pour cracher aux yeux du monde son assurance insupportable, à défaut de pouvoir le faire avec sa petite voix doucereuse. Inutile de rêver, elle ne restera qu’un simple plaisir pour les yeux et ce n’est pas plus mal : marcher au ralenti à côté d’elle, c’est chiant.

– la fille moche : attention, je parle de la vrai fille moche. La seule à qui au collège on a pas dit “t’es trop laide!” car, si on est con à cet âge-là, on a bizarrement conscience que la vérité blesse. Cette fille, en grandissant, s’est souvent fait une raison :  soit  elle a sombré dans une réclusion sociale à base de chats et de romans de gare, soit s’est au contraire complètement sociabilisée, devenant une boute-en-train compensant son physique repoussant par une joie de vivre débordante. C’est de celle-ci qu’on dira entres bons amis, “elle est super marrante cette fille!”. En revanche, on ne mentionnera jamais son apparence : en grandissant, on est moins con mais beaucoup plus hypocrite.

– la fille-enfant : une apparence pouponne et innocente donne à celle-ci des faux airs de fille facile, traînant derrière elle un harem de pauvres mecs se sentant, dans leur statut de grands frères d’adoption, comme des gosses de six ans pendus aux vitrines rutilantes d’une exposition Playmobil 3. Attention, ses attaques sournoises à grand coup d’yeux de chaton apeuré font souvent des ravages chez les coeurs les plus minéraux.

– la fille banale : elle est simplement à la gente féminine ce qu’est le cornet deux boules fraise-chocolat à la glace.

– la fille très intelligente : soyons clair, cette fille est sans doute beaucoup plus intelligente que vous. Vous ne comprendrez rien à ce qu’elle dit, aurez l’air d’un con devant ses amis et finirez par passer des nuits à lire des bouquins inbitables sur la physique quantique pour tenter de savoir quand rire à ses blagues d’ingénieur.

– la vierge effarouchée : cette fille, ayant visiblement un rapport délicat avec le monde du plaisir charnel, est un danger imminent pour la santé mentale des hommes. Elle n’aura de cesse de se jeter sur des partenaires sexuellement inoffensifs – jeune timide inexpérimenté et maladroit, homme marié, amour à distance ou paraplégique – afin de ne jamais trop risquer de devoir enlever son jean délavée, relique de ses années lycée, véritable ceinture de chasteté symbolique dont les boutons définitivement fermés finiront par rendre dingue le plus patient des gentlemen.

– la super nana : c’est une fille à la fois belle et intelligente, de bonne compagnie et à l’humour raffiné et sophistiqué. A toutes mes amies qui me liront, vous faîtes à l’évidence partie de cette catégorie.

– la fille sublime : c’est celle qui brille au milieu de toutes les autres, comme un Desproges dans une foule de Bigards ou Les Fleurs du mal dans une pile de Marie-Claire. La beauté elle-même se flétrie en la voyant, comme les plus fins esprits perdent leur verbe en l’écoutant. Sa présence est comme la douce fraîcheur des Alizées, caressant les lagunes sous les sunlights des tropiques, mais sans Gilbert Montagné. Il n’y en a qu’une, à vrai dire, et c’est ma douce et tendre bien-aimée 4.

Voilà, j’ai un peu fait le tour.  Ah oui : certains se diront, à la lumière de ce texte, que je n’ai absolument aucun respect pour les femmes. C’est vrai, je n’en ai pas le moindre. Il conviendra cependant de préciser que je n’ai absolument aucun respect pour les hommes non plus. Et puis, si je parlais des différents types d’hommes, je me retrouverai, à l’image du nombre de tâches qu’ils peuvent effectuer simultanément ou de la quantité de zones érogènes qu’ils possèdent, avec un résultat tristement binaire : les mecs biens et les sales cons. Et croyez moi, le nombre d’individus que j’ai croisé appartenant à la première catégorie se comptent sur les doigts d’un Django Reinhardt manchot, sortant d’une mauvaise rencontre avec des Yakuzas zélés.

1 Les filles vous pouvez rester, prenez-le comme un test Biba “quelle type de fille êtes-vous?” mais sans les questions à deux balles.
2 La première date de mes 13 ans et ne comptait que deux types de filles : celles qui ne m’’adressaient pas la parole et celles à qui j’aurais bien aimé adresser la parole.
3 En plus, des fois, les personnages bougent et tout. Ces expositions sont une tortures pour mon âme d’enfant.
4 N’hésitez pas à réutiliser vous aussi cette tirade de qualité, discrètement au hasard d’un texte, pour entretenir la flamme dans votre couple.

Les trentenaires

Les trentenaires

Bon, le titre est un peu racoleur : je ne vais pas vous parlez des trentenaires en général mais plutôt d’une partie des trentenaires, ceux oeuvrant dans ces soirées à base d’apéro dînatoire et de blind-test spécial eighties.  Vous savez, ils ont toujours cet air un peu supérieur qui vous dit “ j’ai passé un cap dans ma  vie”. Cette sorte d’étape où on est censé arrêter ses conneries de post-ado et assumer les lourdes responsabilités de la vie d’adulte. Tu parles d’un cap de merde.

Un des sujets de prédilection de ces gens-là, donc, c’est bien sûr les gosses. Alors là, plusieurs options :

  • c’est un couple qui a déjà procréé et, quand il n’est pas occupé à émettre des cris suraigus, le fruit de leur entrailles est déjà probablement en train de répandre les siennes sur tes pompes. S’ils ont eu l’intelligence de ne pas ramener leur rejeton, ils vous parleront de la consistance de ses repas et là, alerte, c’est le moment de vous casser avant qu’ils ne passent de l’ingestion à la déjection…
  • c’est un/une célibataire qui se rend compte, en voyant sa vie commencer à filer entre ses doigts, qu’il/elle aimerait laisser son empreinte sur terre et bla bla bla… Pathétique et désespérante de banalité, cette conversation vous laissera dans l’inquiétante probabilité qu’un jour cette empreinte verra le jour.
  • c’est un couple qui n’a pas d’enfant mais qui en parle quand même. Ceux là sont aussi chiants que les autres mais on leur en veut moins. On leur en veut moins parce qu’il y a 90% de chance que leur couple se déchire dans un avenir proche et qu’on a quand même un peu de compassion.

L’autre sujet qu’affectionnent ces joyeux drilles, c’est leur travail  :

  • le couple de jeunes parents de tout à l’heure, quels que soient leurs boulots respectifs, continuera de parler de leur progéniture à travers la conversion, en s’extasiant sur le congé maternité ou sur je ne sais quel sujet qu’ils peuvent relier à leur progéniture, non mais bordel est-ce que vous avez d’autres sujets de conversation nom de dieu ? Désolé, je m’emporte.
  • le/la célibataire sera sur son terrain de jeu favoris, le boulot c’est toute sa vie. Littéralement toute sa vie, j’entends. N’ayant absolument aucun autre domaine où s’épanouir, il/elle ne manquera pas de vous assommer de détails exaltants sur  son agence de “com”, vous donnant presque envie de retourner parler de couches-culottes avec les autres bébé-maniaques. Si vous êtes du sexe opposé(ou pas, restons gay-friendly) et en plein désespoir amoureux, inspirez un bon coup et faites mine de vous passionner pour son travail 1.
  • les deux trentenaires formant tant bien que mal le futur ex-couple ne font pas le même travail. Mais alors pas du tout. Du genre créatif publicitaire cocaïnomane et experte comptable en voie de sédentarisation. Il sauterons sur le sujet de conversation pour s’envoyer des petites phrases assassines, véritables acteurs d’un vaudeville au rabais, figeant votre expression entre le sourire gêné et le rire nerveux.

Et, lorsqu’en fin de soirée, la célibataire 2, ronde comme une bille après s’être enfilé un chapelet de cocktails de trentenaires 3, grimpera sur la table, au milieu des reste de verrines et de pain surprise, afin de prouver à l’assemblée que ses attributs mammaires n’ont rien perdu de leur maintient d’antan, alors là, plutôt que de crier le fameux “à poil” comme dans votre tendre jeunesse, vous partagerez le regard de pitié de vos petits camarades, la tête baissée devant le spectacle fâcheux d’une femme ayant perdu autant de dignité que d’objectivité sur la nature de son corps.

Et voilà, si ça continue comme ça,  dans trois ans je proposerai des mojitos maison et des mini croque-monsieur à de jeunes parents fringuants et autres célibataires endurcis. Peut-être vaudrait-il mieux que les mayas aient raison sur 2012.

1 Globalement, si vous êtes devant une quelconque personne digne d’attrait et en désespoir amoureux, faites toujours mine de vous intéresser à quoi que ce soit qu’elle puisse dire, même si c’est aussi chiant que la peinture sur verre. En fait, surtout si c’est aussi chiant que la peinture sur verre.
2 Oui, ça devient une femme, j’en ai marre de jouer avec les “le/la”, et c’est un peu plus classe pour ce qui va arriver.
3 Bloody mary, white russian et autres saloperies sortant tout droit du bouquin “101 cocktail faciles”, reçu en cadeau avec le shaker lors de la pendaison de crémaillère du mois dernier.

« Une de perdue, dix de retrouvées. »

10 femmes

Mais combien de fois j’ai pu entendre cette phrase… Tout ça parce qu’il est plus facile, plutôt que de gentiment se taire, d’utiliser une formule toute faite qui est à peu près aussi crédible que la mention “véritable omelette de la mère Poulard” sur ces putains de bouges à touristes salopant les pentes du Mont Saint-Michel 1.

Je me rend compte cependant que, si j’ai si souvent entendu ces mots, c’est que les jeunes filles les ayant provoqués – jeunes traîtresses infâmes se mordant les doigts dans leurs draps froids et vivant dans le sombre regret d’un choix stupide – ont du souvent s’entendre dire d’autres crétineries surannées du type “on est mieux toute seule que mal accompagnée”. Bon, ça ne me réconforte que moyennement finalement.

Non mais sans rire ? Comment ça dix de retrouvées ? Si la moitié des personnes de sexe féminin que tu fréquentes font déjà partie des “perdues” , un bon quart de ta famille et que celles qui restent ne sont pas dans la première catégorie pour d’excellente raisons, la tâche me semble ardu.
Oui, d’accord, c’est envisageable en se découvrant un talent soudain de séducteur s’épanouissant étrangement dans la pâle mornitude post-rupture ou en tapant dans la fille de joie à bas prix : effrayant mélange de dentelle Tati et de bourrelets adipeux, soldée à 4h du mat’ rue Saint-Denis et partageant le pathétisme d’un DVD en promo dans un sexshop discount 2. Voire également, il est vrai, en s’incrustant dans la soirée post-diplome d’une école de commerce de seconde zone, remplie de fifilles alcoolisées en pleine chute de tension, fondant à la moindre attention pouvant occulter, quelques instants seulement, l’angoisse légitime d’une future vie de cadre moyen en banlieue pavillonnaire.

Donc oui, dans certains cas on peut dire “une de perdue, dix de retrouvées” mais, clairement, la qualité est en deçà de la quantité. Qu’est-ce qu’on en a à foutre d’une dizaine de princesses quand le royaume a perdu sa reine ?
Restons donc honnête : “une de perdue, une de perdue”. Et c’est tout.

1 Pour être tout à fait franc, je n’en ai rien à cirer du Mont Saint-Michel mais je trouvais l’analogie charmante.
2 Oui, ça existe. Et je le sais simplement  parce que je fais des recherches avant d’écrire, bande de petits curieux.

Le deuil

Le deuil

A mon père.

Bon ok, c’est pas le truc qui sent d’avance la franche rigolade. Et après? Je suis d’humeur morose donc autant en profiter pour taper dans le sujet qui fait pas sourire. En plus, mon père m’ a souvent dit qu’on n’écrivait rien de bon,de beau, de profond dans le bonheur. Du coup, merci papa : en t’essoufflant avant l’heure, tu vas sûrement me permettre d’écrire des trucs magnifiques jusqu’à la fin de ma vie.

Et bim. J’ai encore cassé l’ambiance. Mais ne partez pas, il y a des trucs drôles qui vont arriver. Si je pouvais lâcher des cotillons je le ferais, promis. Bref, revenons au thème fascinant qui nous intéresse ici, le deuil. Pour tout avouer, je ne suis pas sûr d’en parler avec toute la psychologie et le recul nécessaire, âmes sensibles et femmes fontaines s’abstenir (ah, Wikipédia me dit que je me trompe sur la définition des femmes fontaines. Ah, quand même. Moi qui trouvais l’expression poétique) . Bon, en revanche je connais un minimum le sujet : sans m’étaler sur mon palmarès, ça fait mauvais genre, sâchez qu’ayant vu plus de cadavres en boîte que de riz bon marché sur des couples endimanchés, j’ai parfois l’impression d’être le jumeau maléfique de Hugh Grant dans un pastiche inversé de 4 mariages et 1 enterrement.

Je m’égare. Le deuil, donc, selon Wikipédia, c’est 5 phases successives : le choc, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation… Non mais sérieusement, le marchandage? C’est genre quoi ? “Dis donc mec*, tu voudrais pas pas me rendre trucmuche et choper à la place une bonne poignée de Somaliens malades, qui de toutes façons crèveront de faim avant même le sons et lumières de 2012? Allez, en prime, je te file mon âme, 500 boules et une édition limitée de la Bible illustrée par des créationnistes mormonds. Deal?” Sans blagues.

Bon allez, c’est bientôt Noël, c’est le moment de vous réconforter un peu pour finir sur une touche de bonne humeur nappée de bons sentiments : tout ça finit par s’arranger avec la phase magique de l’acceptation, là où tu comprends qu’il y aura des jours meilleurs, des jours de soleil, des jours de sourire, des jours d’amour, des jours de fête et des jours de liesse… Ouais. Tout ça. Et surtout que des putains de jours sans toi.

* Ouais, je suis intime avec la grande faucheuse**. Faut dire qu’à force, chez nous, elle est un peu comme chez elle.
** Malgre les apparences, c’est un homme. Lisez donc Terry Pratchett…

Les comédies romantiques

Comédie romantique

Un petit texte dans la continuité de ceux qui alimentaient le blog « Ca t’irrik? ». J’ai décidé d’écrire sur les comédies romantiques, véritable vivier d’audience TV pour cette période de fin d’année, aux côtés des bêtisiers usés et des téléfilms de Noël en 2 parties. J’avoue avoir cherché de l’inspiration en mangeant des cookies sous la couette devant « Coup de foudre à Notting-Hill ». Je sais, il n’y a pas de quoi être fier…

Les comédies romantiques c’est magique.

C’est les seuls films où tu peux voir des nanas bouffer de la Häagen-Dazs au pot tout en regardant une autre comédie romantique, plus vieille évidemment que celle dans laquelle elles se trouvent, dans une mise en abîme terrifiante, amplifiée par l’éventualité qu’elles soient elles-mêmes regardées par une vraie nana qui bouffe de… Oulah, j’arrête, ça me fait froid dans le dos.

C’est aussi les seuls films où tu verras jamais le bout d’un téton, la raie d’une fesse ou la racine d’un poil, les nanas ayant l’agaçante habitude de baiser en soutif, la drap placé négligemment juste au-dessus du bas-ventre Je comprend mieux pourquoi le couple finit pas exploser.

Car oui, le couple finit par exploser. Sinon, comment le mec pourrait courir dans une gare/sous la pluie/dans un aéroport/derrière un taxi, après la séquence d’images où il erre tout seul, ressassant les moments de complicité perdue sur fond de musique pop surexploitée ? Et voilà, après il se lance dans sa grande tirade de premier de la classe, dont la variante la plus fréquente consiste en une énumération de ce qu’il aime chez la fille, de la moue de sa bouche quand elle est agacée à sa manie de se ronger les ongles de pied pour les recracher sous la couette (oui, il est vraiment amoureux). Cette tirade est accompagné assez souvent d’une intervention aussi impressionnante qu’improbable, genre j’ai couvert la rue avec tes fleurs préférées ou j’ai engagé un groupe de tyroliens capables de yodeler ton prénom pendant 25 minutes d’affilée (oui, elle est vraiment amoureuse).

Puis voilà, c’est tout, il s’embrassent et ils s’aiment comme au premier jour, on oublie tout, la découverte du petit ami caché ou l’escapade dans la serveuse du café. Comme quoi, courir sous la flotte, ça peut sauver un couple. Personnellement, j’ai juste chopé la crève. Les comédies romantique c’est magique et, au même titre que pouvoir balancer des kaméhas*, c’est des conneries. Et comme j’ai déjà du mal à accepter pour les boules d’énergie, j’ai arrêté de regarder ces trucs de gonzesses. Voilà.

* Les “kaméhas”, c’est des boules de ki1 envoyées par SonGokuh2 et ses amis Super-Saïyens3 dans DragonBall4.
1, 2, 3, 4 Démerdez-vous, bande d’incultes.

Rien à signaler

 

Il s’agit de la première nouvelle d’une série qui essaie d’explorer différents rêves utopiques, qu’ils soient sociaux, politiques, économiques, dans de petites scènes de la vie « quotidienne ».J’adore voir ces idées, qui me paraissent fantastiques entre amis un verre à la main, dévoiler finalement toutes leurs implications lorsque j’essaie de leur donner vie avec quelques mots…

Tribunal Correctionnel Virtuel de Paris
Procès 20470817-67-TV
Vote de sanction par référendum populaire, sous conditions suspensives de participation.
Le seuil est fixé à 35%…

Marc fit glisser son doigt sur la surface de son terminal personnel pour sauter le prochain paragraphe. Celui-ci, un pavé indigeste en petits caractères, n’était plus lu par personne depuis longtemps. Il arrêta le défilement un peu plus bas, au niveau des informations principales.

Le prévenu, M. Thierry Verdain, résidant au 20-22 rue Beccaria à Paris XIIème, est coupable de violences aggravés, outrage et menace de mort contre un agent public dans l’exercice de ses fonctions, état d’ébriété et trouble de l’ordre publique.

La sanction demandée par le juge est une peine d’emprisonnement de 5 ans ferme et une amende de 8.000 €. La peine minimale en cas de rejet est de 30 jours de travaux d’intérêt général et une amende de 500€.

Propos de l’accusation, sous la responsabilité du procureur de la République, M. Faure :
“ Ne vous fiez pas à l’allure sympathique de M. Verdain. Cet homme est dangereux et nous devons prendre les mesures nécessaires pour l’empêcher de nuire. Le prévenu n’en est pas à son coup d’essai et a déjà été arrêté à plusieurs reprises pour violences ou propos insultant sous l’emprise de l’alcool… ” Cliquez pour voir la suite.

Propos de la défense, sous la responsabilité de l’avocat du prévenu, Me Duquenne :
“ Il est vrai que les actes commis par mon client, M. Verdain, sont graves et je tiens à préciser que celui-ci en a entièrement conscience et les regrette. Mais je vous en conjure, pensez aux conséquences d’un isolement prolongé pour mon client, déjà psychologiquement fragilisé et père d’une petite fille de…” Cliquez pour voir la suite.

Marc déroula les textes complets de l’accusation et de la défense. Il les survola, plus par acquit de conscience que par réelle motivation. Sa décision était déjà prise. De même, il ne prit pas la peine de regarder la vidéo enregistrée le jour de l’évènement : l’extrait qui tournait en boucle dans la partie “pièces à conviction” ne laissait déjà aucun doute sur l’identité de l’accusé et son comportement.
Il continua de pianoter sur son terminal et valida l’accès à la page de vote. La fenêtre habituelle d’avertissement légal se matérialisa sur l’écran. Il la fit tout de suite défiler mais son cerveau ne pouvait s’empêcher de reconstituer le texte qu’il connaissait par cœur :
Avant validation de sa voix, tout citoyen reconnaît avoir lu et examiné avec l’attention la plus scrupuleuse les charges portées contre M. Verdain, de ne trahir ni l’intérêt de l’accusé, ni ceux…

« Oh, tu m’écoutes un peu? » La phrase extirpa brutalement Marc de ses pensées. Il reprit tout à coup conscience du bruit ambiant, le brouhaha de la terrasse des Deux Magots était assourdissant à cette période de l’année, presque autant que le bal incessant des voitures s’arrêtant au feu et repartant l’instant d’après. Sa femme soupira, agacée. Le soleil d’août sur sa peau mate conférait à son visage une contrariété presque divine.
« Deux minutes, je finis ça…
– Mais ça fait un quart d’heure que tu me dis ça! T’es encore sur le “rèf” du soûlaud ? Va falloir te décider, il est déjà tombé depuis hier soir !
– Oui je sais, mais je ne l’ai reçu qu’en sortant du boulot et je me tâte un peu. Bon, quand même je pense que…
– Tu vas encore voter “non” c’est ça? Toujours à jouer ton sauveur, à croire que les gens peuvent apprendre de leurs erreurs… » La façon dont Sofia monta les yeux au ciel en laissant sa phrase en suspend le crispa. Elle le faisait se sentir comme un gamin, incapable de prendre les bonnes décisions.
« C’est bon, je crois qu’à presque 50 ans je suis assez mature pour voter, non ? Tu sais que j’aime pas quand tu veux tout diriger comme ça…
– Quelle mauvaise foi! S’étonna-t-elle en riant. En général, t’aime plutôt bien que je mène la danse… » Elle avait posé sa main sur la sienne en esquissant un sourire complice. Ses yeux dorés s’agrandirent imperceptiblement. Marc soutint son regard quelques instants avant de pencher à nouveau la tête vers son terminal. Un détail le fit sourire.
« D’ailleurs, tu sais comment est immatriculée sa bagnole ?
– Hein? Quelle voiture?
– La voiture du mec, là… Tu connais son numéro d’immatriculation ? 574 RAS 2897.
– Oui et alors? Je ne vois pas très bien le rapport. Elle lâcha sa main et son ton se refroidit. Pourquoi ne comprenait-il jamais rien, est-ce qu’il l’écoutait seulement ?
– Ben R.A.S., Rien à signaler ! Si c’est pas un signe de la bonne foi du type ça!
– Je comprends rien à ta blague, c’est encore une référence à je ne sais quel vieux truc débile des années 20 ?
– Non, juste un vieux code de flics ou de militaires, je ne sais plus trop…
– Super… Au lieu de faire de l’humour, tu devrais réfléchir à ce que tu fais et voter, qu’on en parle plus! Les yeux de Sofia s’écarquillèrent quelques instants en fixant un point derrière son dos. D’ailleurs, je vois ta fille qui arrive, alors si tu peux payer l’addition. »
Il se retourna pour regarder Clémentine qui attendait au passage piéton, de l’autre côté du boulevard Saint-Germain. Elle avait encore changé de couleur de peau pour un fuchsia électrique. « Je te rappelle qu’elle est aussi la tienne. Même avec cette couleur… » Glissa-t-il à sa femme. Alors il valida son refus au référendum, avant de se connecter au café pour payer la note.

Pour sa part, en voyant le regard outré de sa mère attablée au café, Clémentine ne regrettait pas d’avoir laissé la presque totalité de son argent de poche chez New Skin tout à l’heure. Le petit bonhomme passa au vert et elle s’élança d’une allure pleine de défi vers ses parents.

Puis le temps s’arrêta. Il y eut un crissement assourdissant de pneus, suivit du  “Attention, Clem!” de son père, beaucoup trop tardif. Puis le choc. Violent, brutal, brûlant. Et, de plus en plus rapidement, le ciel aveuglant , les éclats de soleil sur les toits haussmanniens, la tôle rouge, rouge comme les yeux bouffis qui la regardèrent passer derrière leur pare-brise étoilé, rouge comme le bitume qui mit soudainement fin à cet enchaînement d’images.
Alors son cœur cessa de battre, ses yeux figés sur les trois lettres centrales de la plaque d’immatriculation de la voiture folle. Trois lettres dont l’ironie résonna dans sa tête jusqu’au dernier moment : R…A…S…, comme dans ce vieux film d’action qu’on avait regardé un soir avec mon père, se souvint-elle. Rien à signaler…