Il est de bon ton, parfois, dans ces soirées entre amis où l’on s’amusait pourtant de manière raisonnable, de proposer aux convives l’aventure d’un quiz musical. Ce petit jeu, également appelé « blind test » chez les anglophiles avertis, s’avèrera la plupart du temps une expérience traumatisante de profonde solitude.
En effet, si les joyeux instigateurs de ce divertissement effrayant ont plus de 3 ans d’écart ou des centres d’intérêt un tant soit peu éloignés des vôtres — et par la même du bon goût, cela va sans dire — vous allez passer le reste de votre misérable soirée à faire semblant de reconnaître ce groupe qui a cartonné à l’automne 91, à tenter de balbutier une réponse à un générique de dessin-animé japonais heureusement oublié, ou à vous maudire intérieurement de ne pas avoir reconnu le 3ème mouvement de la 9ème symphonie en ut majeur de Schubert.
Mais vous aurez peut-être, par chance, échappé à la surexcitation du geek psychotique qui, après avoir emmerdé tout le monde en réclamant des heures durant une série « musiques de jeux-vidéos », finit par être exaucé au grand dam des autres participants vaincus à l’usure et s’empressera, les yeux brillants pour ce moment de gloire à sens unique, de balancer des noms asiatico-incompréhensibles à travers l’assemblée médusée par ces sons stridents d’un autre temps, entre le signal de recul d’un poids-lourd et l’électrocardiogramme d’un mourant.
Je me fais alors un devoir de ne pas rester muet devant la dictature de ce test aveugle : il vaut franchement mieux être sourd que de vivre ça !