J’ai toujours cru à une théorie selon laquelle la puissance de voix utilisée par les gens en public est bien souvent inversement proportionnelle à leur capacité intellectuelle. Attention, ne vous méprenez pas : j’ai également croisé bon nombre d’imbéciles s’exprimant à volume modéré, au même titre que l’on rencontre des commerçants honnêtes ou des patrons philanthropes.
N’importe comment, aboyer ouvertement la triste monotonie de ses journées mornes à la façade froide d’une balise à con portative 1 n’a jamais appuyé l’affirmation selon laquelle l’homme dominerait l’animal par sa faculté de parole, à défaut de le dominer par sa faculté de réflexion. Mais ces partisans de la discussion par BCP 2 interposée — distinguables entre autres par l’évocation bruyante de leur menu du soir face au rayon cassoulet/saucisses-lentilles — ne sont pas les seuls vrille-tympans à officier dans l’entourage quotidien des honnêtes chuchoteurs.
L’autre catégorie de joyeux tympanicides sans vergogne dont je veux parler constitue ces individus qui pensent, par une logique mystérieuse, que l’écoute de leur verbe nécessite l’anéantissement sonore par KO de tout son parasite. Ils n’auront de cesse pour exposer leurs pensées — qui, si on se fie à la théorie évoquée plus haut, n’ont guère de chance de briller par leur perspicacité — d’augmenter leur volume jusqu’à saturation afin de ne laisser aucune chance à leurs pauvres interlocuteurs de s’insérer dans ce mono-dialogue crispant.
Ces énergumènes sont la lie de la parole, ils sont à la discussion ce qu’est le Parti Communiste à la Chine ou les 4×4 flanqués de pare-buffles à la route. Et pour peu que vous finissiez par exaspération à beugler plus fort qu’eux, ils vous rétorqueront, avec cette expression de bêtise qui leur est propre : « Hé, c’est pas la peine de crier !»
1 Appelé aussi communément « téléphone portable » (cf. Le cinéma)
2 Non mais suivez un peu, nom de Dieu !